Le rapport du physique au psychique
Ce texte d’Ernst Mach était introuvable (sauf en occasion à des prix prohibitif), aussi je me suis lancé à le retraduire et le proposer aux lecteurs intéressés. C’est sûr, cela s’adresse à un public intellectuel, scientifique, voire simplement passionné de réflexion à propos des rapports entre le monde, le corps et la pensée. J’ai eu beaucoup de plaisir à traduire le texte d’un grand scientifique et de découvrir sa pensée.
Un livre éclairant pour comprendre les relations entre le monde, le corps et le psychisme.
Dans ce magnifique ouvrage du début du XXe siècle, Ernst Mach, physicien, physiologiste, philosophe et épistémologue, posait les bases des liens mutuels entre le physique et le psychique, leur médiateur étant les sensations. Mach s’efforce d’emblée d’éliminer de ses analyses les éléments métaphysiques superflus. Pour lui il n’y a pas de différence essentielle entre le physique et le psychique, si l’on considère les processus physiques nerveux qui les relient. Ainsi, pour Mach, le monde se compose uniquement de nos sensations et, l’auteur le souligne bien, nous n’avons connaissance que de nos sensations. Pour autant, l’auteur considère que le monde-rêve des idéalistes n’a pas de sens en science. Mach sort ainsi du solipsisme en posant la connexion essentielle entre les éléments du monde, du corps et du psychisme au travers des sensations, comme unité mentale idéale et non réelle. Au passage, Mach règle son compte à l’ego, qui doit être abandonné, car il reste une illusion source d’erreur en science. Il n’y a pas d’ego, pas plus qu’il n’y a de dualisme physique-psychique, avec son illusoire et hypothétique point de jonction entre l’âme et le corps. Mach se situe bien plutôt dans un parallélisme complet du physique et du psychique. Il n’y a pas de coupure entre le psychique et le physique, pas de dedans et de dehors, pas de « sensation » à laquelle corresponde une « chose » extérieure, différente de la sensation. Il n’y a qu’un seul type d’éléments à partir duquel ces supposés intérieur et extérieur sont formés, – des éléments qui sont eux-mêmes dedans ou dehors, selon l’aspect sous lequel on les considère. Le monde des sensations appartient à la fois au domaine physique et au domaine psychique. Notre corps, comme tout autre, fait partie du monde des sens ; la frontière entre le physique et le psychique est uniquement pratique et conventionnelle.
Abordant tour à tour les questions épistémologiques, de causalité et de téléologie, Mach analyse les sensations visuelles, sonores, d’espace et de temps. Il approfondit aussi sa pensée dans des considérations poussées sur les liens entre les buts du biologique appliqués à l’espace, les relations entre le visuel et le psychisme, les sensations, la mémoire et les associations mentales, la volonté. Ernst Mach annonce ainsi la modernité de la science. Son livre est écrit d’une façon pratiquement intimiste, livrant au lecteur, en direct, les décours de la pensée d’un grand scientifique, avec ses certitudes, ses doutes, ses succès comme ses erreurs, le tout agrémenté d’anecdotes personnelles. Un livre qui a inspiré le non moins grand Einstein dans le développement de sa théorie de la relativité, dans les relations entre espace et matière. Car comme Einstein, Ernst Mach fait partie de ces géants sur les épaules desquels nous avons plaisir à nous jucher pour voir le monde plus loin, encore plus loin…
Biographie de l’auteur : Ernst Mach (1838-1916) était physicien et épistémologue. Il a étudié les mathématiques, la physique et la philosophie. Ses travaux portèrent sur l’effet Doppler, l’optique et l’acoustique. Il s’intéressait aussi à la physiologie des perceptions sensorielles. Mach est notamment connu pour ses études sur la lumière et les vitesses supersoniques. Le « nombre de Mach » sert désormais à exprimer la vitesse d’un avion supersonique. À partir de ses travaux sur les sensations, Mach a exposé un principe important (le principe de Mach) qui allait aider Einstein à élaborer sa théorie de la relativité générale. L’idée de Mach a influencé Einstein dans son idée que la matière engendre par nature l’espace qui est autour d’elle, et qu’un espace vide de matière n’existe pas.